À l’heure où l’Europe joue les vierges effarouchées, incapable d’accueillir quelques dizaines de familles jetées sur les routes de l’exil, il fait bon découvrir cette bande dessinée poignante et généreuse, signée Vincent Zabus à l’écriture et Thomas Campi aux pinceaux. Macaroni ! traite ainsi de l’immigration italienne qui, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, partit vers la Belgique et ses mines de charbon, en quête d’un avenir meilleur. Une génération sacrifiée, habituée à courber l’échine et à se taire. Après les immondes baraques en tôle ondulée viendront les cités minières. De petites maisons en briques rouges, toutes identiques, symbole d’une certaine fierté ouvrière.
Macaroni ! se veut également un livre sur la transmission entre générations. Là, les choses commencent plutôt mal, le petit Roméo n’ayant pas trop envie de passer une semaine chez son grand-père, à Charleroi. Ottavio, les poumons ravagés par la silicose, ne se déplace plus sans sa bombonne d’oxygène. Ses souvenirs s’effilochent, symbolisés par quelques images diaphanes.
Sur place, loin de son quotidien aseptisé, l’enfant découvre pourtant le petit jardin attenant à la maison, ses rangées de légumes tirées au cordeau ; une auge à cochon où grogne Mussolini : « Pour un gros porc, je n’ai pas trouvé meilleur nom », lance l’aïeul à son petit-fils. Premiers sourires.
Et puis Roméo fera la connaissance de sa Juliette, prénommée Lucie en vérité, qui, à l’ombre des terrils, lui fera comprendre ô combien il est essentiel de respecter ceux que la vie n’a pas épargnés. Ottavio et l’enfant fendront finalement l’armure et entameront un dialogue salutaire.
En prime, un dossier complémentaire revient sur la genèse de ce récit et sur son contexte historique. Le tout augmenté d’une bien jolie préface signée par le chanteur Salvatore Adamo, lui-même issu de l’immigration transalpine. Patrick GAUMER, historien et critique de bande dessinée