Prix du Jury Oecuménique 2000
La Terre sans Mal, Lepage et Sibran, Éditions Dupuis, Collection Aire Libre, juin 1999
Des indiens Guaranis partent à la recherche de la « Terre sans mal » alors que l’Europe s’enfonce dans l’enfer de la seconde guerre mondiale. Éliane, jeune scientifique française, se rend pour la troisième fois au Paraguay, afin d’étudier la langue et la culture d’un peuple amérindien, les Mbyas. Elle retrouve avec étonnement un peuple résigné, plongé dans une sorte de léthargie collective. La venue d’un personnage étrange, le Karaï, rompt cette atmosphère déliquescente, et lance les indiens dans une quête spirituelle désespérée.
Cette œuvre originale impressionne d’abord par la beauté des couleurs et la maturité du trait, qui nous révèlent une jungle chatoyante et meurtrière. L’histoire de ce peuple condamné, qui part à la recherche d’un ailleurs idéal, fait penser à la tragique marche des Cheyennes au siècle dernier. Les indiens Mbyas, pleins de dignité, puisent dans leur quête intérieure le courage d’affronter les dangers qui les menacent. Ils refusent d’abdiquer leur identité, même si la mort les fauche à tour de râle. La Terre sans mal est le récit d’une émouvante révolte contre la fatalité d’une condition humaine.
Le dessinateur, Lepage, a renouvelé profondément son art, alors qu’il était déjà un professionnel confirmé par la série « Névé ». Son dessin est un hymne à la beauté des corps, et la nudité est traitée avec respect et vérité, sans voyeurisme. Les couleurs traduisent des sentiments, déclenchent des émotions et créent la magie poétique du récit. Un pur chef-d’œuvre !
J-F. C.