Actualité

Prix du Jury Œcuménique 2023

Cette année, le JURY ŒCUMÉNIQUE de la Bande Dessinée composé de critiques, d’historiens, de journalistes, de spécialistes et d’amateurs de la bande dessinée, a décerné son prix annuel à
« LE PRINTEMPS DE SAKURA » de Marie JAFFREDO, Editions VENTS D’OUEST.
La mention spéciale est attribuée à « PERPENDICULAIRE AU SOLEIL » de Valentine CUNY-LE CALLET, Editions DELCOURT.

Couverture de la BD LE PRINTEMPS DE SAKURA
de Marie JAFFREDO,
Editions VENTS D’OUEST

Sakura, 8 ans, cache son mal-être et se renferme sur elle- même depuis la mort accidentelle de sa maman survenue quelques années plus tôt. Accaparé par ses obligations professionnelles, son père, un expatrié français, décide de la confier à son Obaa, sa grand-mère japonaise installée près d’un modeste village de pêcheurs. Le temps d’un printemps, la vieille dame parvient à redonner espoir à sa petite-fille, l’aide à franchir le cap de la résilience et lui communique son goût des choses simples : l’affection d’un chat, la pêche aux coquillages, la floraison des cerisiers. Traité à l’aquarelle, ce roman graphique mélancolique, accessible dès la prime adolescence, nous invite à ne jamais oublier les valeurs essentielles.

Patrick Gaumer

Mention spéciale : « Perpendiculaire au soleil » de Valentine CUNY-LE CALLET, Éditions Delcourt

Couverture de la BD Perpendiculaire au soleil
par Valentine CUNY-LE CALLET,
éditions DELCOURT (Encrages), 436 pages

Valentine Cuny-Le Callet signe à 25 ans une première œuvre magistrale. Engagée au sein de l’ACAT, une ONG chrétienne de lutte contre la torture et la peine de mort, elle entame une correspondance militante et solidaire avec Renaldo McGirth, le plus jeune condamné à mort des États-Unis. Ce dernier, lui-même artiste, offre les seules touches de couleurs du récit via quelques peintures intégrées habilement au travail noir et blanc de l’autrice. Mêlant travail au crayon et gravures sur bois oniriques et expressionnistes, Valentine Cuny-Le Callet ne parle pas seulement du détenu ou d’elle-même, mais porte la parole et l’histoire des autres condamnés et de tout un peuple soumis aux conditions vexatoires, humiliantes et discriminatoires qu’impose un système aux relents ségrégationnistes.

Bernard STEHR

Prix du Jury Œcuménique 2022

« BLANC AUTOUR » de Wilfrid LUPANO et Stéphane FERT chez DARGAUD

« BLANC AUTOUR » de Wilfrid LUPANO et Stéphane FERT chez DARGAUD

Inspiré d’une histoire vraie remarquablement analysée dans la postface, cet album relate les quelques mois (1832) de la difficile existence de l’école de Prudence Crandall, à Canterbury (Connecticut), première école pour jeunes filles noires des États-Unis, trente ans avant l’abolition de l’esclavage. Au-delà de la dénonciation du racisme, l’histoire soulève la question de la violence dans la lutte, de l’intérêt de l’instruction et de la condition féminine. Le graphisme singulier, vif et coloré, sert un scénario bien élaboré.

Quelle place l’Évangile a dans cette aspiration à la liberté ? Qu’est-ce qui distingue « l’ignoble massacre » de l’esclave virginien Nat Turner de « la conquête héroïque » des colons ?

Nadia Savin-Benesteau – Jacques Tramson

Mention spéciale du Jury Œcuménique 2022

« GRAND SILENCE » de Théa ROJZMAN et Sandrine REVEL, chez GLENAT

Grand Silence

Dans l’atmosphère bucolique d’une fin d’été, l’on célèbre l’union de deux familles. Les plus jeunes goûtent ce bref instant de liberté. Rien ne laisse présager le drame. Naïf, le petit Freddy se laisse entraîner dans la forêt par Octave, son oncle par alliance. Violé, l’enfant n’est bientôt plus que honte et souffrance, sa tête symboliquement séparée du reste du corps. Impossible pour lui de témoigner. Qui le croirait ? Comment exprimer l’indicible ?

Théa Rojzman et Sandrine Revel s’emparent d’un sujet douloureux, l’inceste et les violences sexuelles, par le biais d’un conte onirique pour adultes, où le mutisme et le désarroi mêlé de rage des enfants se traduisent par des bulles dépourvues de textes ou saturées de gribouillis illisibles ; où d’allégoriques animaux sauvages déchirent à pleines dents des doudous ; où une usine géante, écarlate et hérissée de pointes, nommée Grand Silence, engloutit les cris rendus muets des victimes. Le salut passera par la destruction de ce lieu de mort…

La parole, enfin, libérée.

Patrick Gaumer

Prix du Jury Œcuménique 2021

« Khalat » de Giulia Pex, Éditions Presque Lune, janvier 2020

« Khalat » de Giulia Pex, Éditions Presque Lune, janvier 2020

Elle aurait bien mérité de vivre sa jeunesse, étudier à Damas, rêver devant le prof de Français, se confier à son frère aîné et croire à son idéal de liberté. Mais en Syrie, le printemps des peuples se brise sur la violence bestiale du pouvoir en place et sur la cruauté de l’État Islamique. Alors la jeune fille se retrouve jetée sur le chemin de l’exode, en compagnie de ses parents. Elle porte dans ses bras l’enfant désormais orphelin de son frère assassiné. Chaque fois qu’elle marque une pause dans sa marche, Khalat trouve des amis à aider, des plus faibles à secourir ; et chaque fois elle doit les quitter pour guider son neveu et accompagner ses parents tellement soucieux de la protéger et tellement démunis sans elle…

Sans une plainte, sans une invective, Khalat se bat, raconte, observe. Tout est juste dans ce récit, le dessin autant que les sentiments, la langue autant que les couleurs. Et si la retenue qui caractérise son style captive le lecteur si complètement, c’est qu’elle exprime en même temps la personnalité de l’héroïne et l’art de la narratrice.

Jean-Pierre Molina

Mention spéciale 2021 du prix œcuménique de la BD

« L’Accident de chasse », David L. Carlson, Landis Blair, Éditions Sonatine, août 2020

« L'Accident de chasse  », David L. Carlson, Landis Blair,  Éditions Sonatine, août 2020

Cet album suscite un double étonnement : un pavé de 450 pages, format 21/23, qui se lit avec autant d’aisance qu’une BD traditionnelle ; une lecture attachante comme celle d’un roman alors que l’intrigue est un récit de vie authentique quoique surprenant. La narration est soutenue par un graphisme en noir et blanc aussi puissant qu’élégant.

L’itinéraire du « héros » aveugle est un retour paradoxal vers la lumière : celle de l’honnêteté et de la connaissance. La voie surprenante de cette conversion passe par l’amitié avec un codétenu qui lui fait découvrir le Braille et lui donne le goût de la littérature (et pas la moindre : par exemple, le mythe de la caverne de Platon). Une bande dessinée, qui est un hymne à la littérature et à l’humanité, ne peut qu’être recommandée.

Jacques Tramson