Mention spéciale 1999

boudhaOsamu Tezuka, Bouddha, 8 volumes, Éditions Tonkam

C’est la première fois que le Jury Œcuménique de la Bande Dessinée, se penche sur la BD japonaise. La caractéristique de la BD du pays du soleil levant est d’abord d’être prolifique (3 000 pages en 8 volumes pour la vie de Bouddha), de petit format noir et blanc (généralement, et c’est le cas ici), et de science-fiction. Si ce titre a plu au jury, c’est d’abord qu’il s’agit ici d’un manga historique rempli de spiritualité et de valeurs humaines, réalisé par le maître (et le créateur) du  » manga « , le  » Hergé japonais « , Osamu Tezuka(1928-1989). Pour tous ceux qui n’ont jamais abordé le manga à cause de certains titres très populaires chez les jeunes et de la qualité douteuse de certains dessins animés, Tezuka sera une excellente porte d’entrée. Et si l’on préfère une fiction plus contemporaine, on peut commencer le premier des quatre volumes de  » L’histoire des 3 Adolf  » du même auteur, chez le même éditeur.  » Ce que j’ai cherché à exprimer dans mes œuvres tient tout entier dans le message suivant : Aimez toutes les créatures ! Aimez tout ce qui est vivant !  » Ainsi s’exprime le père d’Astro Boy, de Bouddha, des 3 Adolf… Il projetait d’adapter l’Ancien Testament ; d’autres dessinateurs japonais le feront peut-être !

Osamu TezukaTezuka Inventeur du manga moderne…

 » Mon Boudha est en grande partie une œuvre de fiction, ce n’est ni une illustration, ni une oeuvre calquée automatiquement sur l’histoire originale et les écrits sacrés. Pour cette raison j’ai été très critiqué par des personnes désirant découvrir les faits et épisodes explicites ou exacts de la vie du vrai Boudha  » explique Osamu Tezuka, après douze années consacrées à cette série.

 » L’histoire actuelle de la bande dessinée et du dessin animé japonais est indissociable d’un nom : Osamu Tezuka. Au cours des années 50 et durant les décennies suivantes, cet homme révolutionna les codes du manga, développa son industrie et fit exploser l’animation japonaise. En 60 ans d’existence et 40 ans de publications, celui qu’on surnomma le Dieu du Manga partagea son temps et sa vie entre la bande dessinée et le cinéma d’animation. Peu de temps est consacré au reste, à sa famille par exemple, comme l’avouera par la suite sa femme Etsuko :  » Avec lui, il n’y avait pas de distinction entre le jour et la nuit, il n’y avait ni dimanche, ni vacances, seulement le chaos… Au moins, lorsqu’il était à la maison, je pouvais le voir travailler et lui dire bonjour. Même si nous vivions dans un état permanent de folie, je pouvais toujours sentir que nous étions mari et femme… Même si trois ou quatre éditeurs étaient constamment à proximité, attendant qu’un boulot soit terminé « .

Cette passion pour le dessin qui l’anime dès son plus jeune âge, le pousse à œuvrer constamment. Tezuka sera très vite (tout en continuant ses études de médecine) au firmament des auteurs de mangas n’inventant pas un genre en soi mais créant de nouvelles manières de raconter, notamment en adoptant une narration délayée proche du story-board, et de nouvelles méthodes de cadrage où les personnages ne sont plus seulement présentés en pied dans les cases. Ajoutez à cela un fabuleux talent de narrateur, et vous comprendrez vite que, dès les années 50, ce style ample et proche du cartoon (à l’origine) ait eu autant de succès.

Dès la création de  » La nouvelle île au trésor  » en 1947, Tezuka planche continuellement, va de création en création, n’oubliant pas ce qui l’avait motivé dans sa jeunesse : les films de Chaplin, des frères Fleischer et de Disney (en particulier les Silly Symphonies). Plus qu’un graphiste hors-pair, Tezuka se positionne d’abord comme un conteur exceptionnel, créant des histoires dans tous les domaines. Il a abordé l’humour, la science-fiction, l’aventure, le western, le merveilleux, l’historique (chronique du Japon médiéval), le fantastique, le domaine mystique et religieux dans la veine des plus grands feuilletonistes. Car les récits de Tezuka abondent toujours de rebondissements incroyables sans pour autant se perdre. L’homme est en effet humaniste. Ses histoires sont autant de messages antimilitaristes, écologistes, qui célèbrent la vie, qui s’ouvrent aux autres, qui restent dubitatifs sur l’utilisation des technologies nouvelles… Tezuka a œuvré pour la paix et l’amour.  » D’après Christian Marmonnier, Extrait du dossier Tezuka, Tsunami 24.