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Le Prix 2025 du Jury Œcuménique est attribué à l’album : « VINGT DÉCEMBRE » d’APPOLLO et TEHEM chez DARGAUD et la mention spéciale à l’album « MANOUCHIAN » chez DUPUIS

Le jury, composé de 9 spécialistes de la bande dessinée, historiens, critiques, journalistes, bibliothécaires,
dessinateurs, catholiques, protestants et agnostiques, s’est réuni le samedi 7 décembre 2024, afin de choisir
parmi 14 bandes dessinées pré- sélectionnées. Le prix sera remis pendant le Festival International de la BD
par le Président du Jury, Jean-Pierre MOLINA, à l’église Saint-Martial d’Angoulême, le jeudi 30 janvier
2025, à 15 h.
Couverture de la BD Vingt Décembre

VINGT DECEMBRE. Chroniques de l’abolition/Appollo et Tehem. DARGAUD

VINGT DECÉMBRE. Chroniques de l’abolition/Appollo et Tehem. DARGAUD
Au XIXe siècle, de nombreux esclaves sont exploités sur l’île Bourbon, que l’on n’appelle pas encore
Réunion. L’un d’eux, Edmond Albius, fait une découverte qui va changer le destin de cette colonie française.
Âgé de 12 ans seulement, il met au point une technique pour polliniser manuellement la précieuse vanille.
Une invention qui va rapidement faire la richesse de son maître et des planteurs des environs. Arrive alors
l’année 1848, où à près de 10 000 km de là, en métropole, une révolution éclate… Retraçant le destin de cet
inventeur longtemps et injustement oublié, les auteurs réunionnais Appollo et Téhem nous racontent les
bouleversements provoqués sur l’île par un texte signé à l’autre bout du monde : le décret d’abolition de
l’esclavage. Nourris par un formidable travail de documentation, réalisé au cours d’une résidence artistique
aux archives départementales de La Réunion, les auteurs mêlent personnages fictifs et réels pour mieux
dépeindre ce moment charnière peu connu. Les couleurs douces et le trait semi-réaliste enrobé de Téhem
finissent de nous convaincre d’embarquer pour ces instants passionnants où l’Histoire est sur le point de
basculer.

Aurélien LACHAUD

 

 

Couverture de la BD Missak, Mélinée et le groupe Manouchian

Missak, Mélinée et le groupe Manouchian, J.D. Morvan et Thomas Tcherkézian. DUPUIS

Missak, Mélinée & et le groupe MANOUCHIAN/J.D. Morvan et Thomas Tcherkézian. DUPUIS
Les auteurs nous proposent là une œuvre magistrale. Tout le monde connaît le nom de Manouchian, tout le
monde sait qu’on l’a accueilli au Panthéon en février 2024, mais très peu connaissent ce groupe de résistants
du M.O.I., ni les noms, ni l’histoire de ses membres, ni même les dates et faits des évènements concernés :
cette BD vient combler cette lacune. J.D. Morvan a eu l’idée géniale de demander au jeune dessinateur
Thomas Tcherkézian, tout juste sorti de l’école Emile Cohl (Lyon), d’illustrer l’aventure tragique du groupe
Manouchian.
Le dessin puissant, d’un réalisme minutieux, met en valeur le parcours courageux de ces hommes et de ces
femmes pour la plupart très jeunes, d’origine étrangère, qui ont opté pour la défense de la France : juifs
Polonais, Hongrois, Roumains, trotskiste Géorgien, communiste Italien, républicain Espagnol, réfractaires
du STO, tous ont lutté pour une France Libre dans les brigades FTP-MOI, branche de la résistance CGT :
attentats contre l’armée allemande, déraillements de convois…
Jouant avec un noir et blanc, intelligemment rehaussé de rouge et de nuances de beige, cette superbe BD est
complétée d’un très beau cahier documentaire de 16 pages. Les grandes fiches sur les personnages,
introduites au fil du récit, nous présentent et sortent de l’oubli ces obscurs femmes et hommes étrangers qui
ont choisi la France jusqu’à donner leur vie dans une des périodes les plus sombres de notre Histoire. Un
premier album de Thomas Tcherkézian, qui vient juste de fêter ses 24 ans. Une totale réussite. Une œuvre
indispensable.

Bernard STEHR

Prix du Jury Œcuménique 2022

« BLANC AUTOUR » de Wilfrid LUPANO et Stéphane FERT chez DARGAUD

« BLANC AUTOUR » de Wilfrid LUPANO et Stéphane FERT chez DARGAUD

Inspiré d’une histoire vraie remarquablement analysée dans la postface, cet album relate les quelques mois (1832) de la difficile existence de l’école de Prudence Crandall, à Canterbury (Connecticut), première école pour jeunes filles noires des États-Unis, trente ans avant l’abolition de l’esclavage. Au-delà de la dénonciation du racisme, l’histoire soulève la question de la violence dans la lutte, de l’intérêt de l’instruction et de la condition féminine. Le graphisme singulier, vif et coloré, sert un scénario bien élaboré.

Quelle place l’Évangile a dans cette aspiration à la liberté ? Qu’est-ce qui distingue « l’ignoble massacre » de l’esclave virginien Nat Turner de « la conquête héroïque » des colons ?

Nadia Savin-Benesteau – Jacques Tramson

Mention spéciale du Jury Œcuménique 2022

« GRAND SILENCE » de Théa ROJZMAN et Sandrine REVEL, chez GLENAT

Grand Silence

Dans l’atmosphère bucolique d’une fin d’été, l’on célèbre l’union de deux familles. Les plus jeunes goûtent ce bref instant de liberté. Rien ne laisse présager le drame. Naïf, le petit Freddy se laisse entraîner dans la forêt par Octave, son oncle par alliance. Violé, l’enfant n’est bientôt plus que honte et souffrance, sa tête symboliquement séparée du reste du corps. Impossible pour lui de témoigner. Qui le croirait ? Comment exprimer l’indicible ?

Théa Rojzman et Sandrine Revel s’emparent d’un sujet douloureux, l’inceste et les violences sexuelles, par le biais d’un conte onirique pour adultes, où le mutisme et le désarroi mêlé de rage des enfants se traduisent par des bulles dépourvues de textes ou saturées de gribouillis illisibles ; où d’allégoriques animaux sauvages déchirent à pleines dents des doudous ; où une usine géante, écarlate et hérissée de pointes, nommée Grand Silence, engloutit les cris rendus muets des victimes. Le salut passera par la destruction de ce lieu de mort…

La parole, enfin, libérée.

Patrick Gaumer

Prix du Jury Œcuménique 2020

« La Boîte de petits pois » de GiedRé et Holly R chez Delcourt

Image de couverture de la BD La boite de petit poisLe titre, La Boîte de Petits Pois, s’il évoque une anecdote de l’album, en est peut- être aussi le résumé symbolique : des petits récits, les uns à côté des autres, au goût sucré-salé… L’autobiographie de GiedRé, très centrée autour de sa mère, évoque les privations (de tout et, en particulier, de liberté) de l’univers lituanien sous le régime stalinien : mais ceci est sous-tendu par une narration faite d’un ton guilleret, soulignée par le graphisme faussement enfantin de Holly R qui s’adapte merveilleusement à la gouaille de la narratrice. L’album qui se termine ironiquement par une évocation des ratés de la société française – depuis Paris où l’héroïne poursuit son itinéraire de vie – , même s’il est une dénonciation sévère du système soviétique, est une vraie et belle leçon d’optimisme.

Jacques Tramson